
Dringggg… Il était 6 h 33 quand ce matin j’ai décidé de fuir mon rêve pour rejoindre la réalité en me disant, vite va écrire ces mots avant qu’ils ne t’échappent. Je m’étais égarée vers d’autres cieux, je l’avais rencontrée fortuitement et elle m’avait soufflé ces quelques vers. Je ne puis restée indifférente à sa confidence, aussi je les pose tels qu’ils me furent offerts et vous les transmets.
Le loup et le rat
Dans la forêt noire comme l’ardoise
Le loup solitaire ne cherche point noise,
Il avance dans la mousse sans laisser de trace
Pour égarer l’horrible louvier qui le pourchasse.
Dans la forêt noire comme l’ardoise
Le rat des champs fuit la villageoise.
Depuis l’aube, il sautille dans la verte mousse
A la recherche de sa belle à la tendre frimousse.
Dans la forêt noire comme l’ardoise
Les chemins du loup et du rat se croisent.
En cette belle journée que vont-ils faire ?
S’affronter ou s’ignorer et partir solitaire.
Si l’un, complaisant choisit la côte rocheuse et escarpée,
L’autre, humble opte pour le doux sable de la baie.
Ainsi nulle provocation et mortel conflit,
Le loup et le rat dormiront ce soir dans leur lit.
Point d’agressivité malvenue, point de fierté mal placée,
Sachez écouter la raison, choisissez votre chemin avec civilité.
Une fois cette fable couchée sur le vélin je voulus me rappeler ce doux mirage qui est venu me courtiser cette nuit. J’ai fermé les yeux et je me suis souvenue. Il était question de l’Olympe et de ses Dieux, plus précisément de Zeus. Ce Dieu suprême de la mythologie grecque. Celui qui fut engendré par le titan Cronos et la titanide Rhéa. Zeus et ses multiples aventures amoureuses légitimes ou arbitraires. J’étais là-haut avec les Dieux et j’apprenais tout de ses liaisons torrides avec des Titanides, des Nymphes, des déesses, des simples mortelles, inconnues rencontrée au hasard de ses pérégrinations voire même des sœurs… Il n’était pas rare que les Dieux et Déesses aient des relations incestes… Au 21ème siècle, nous sommes choqués, eux non, rien de plus naturel ! Mais nous ne sommes pas là pour juger des mœurs des Dieux grecs, revenons à notre sujet. J’appris que des amours tumultueuses du dit Zeus moult rejetons naquirent : Dieux, déesses, muses, héros, rois, tous eurent des destins singulièrement remarquables qui méritent notre intérêt. Fatiguée par toutes ces histoires trépidantes faites d’amour de jalousie, de haine et de guerre, j’ai laissé les dieux entre eux, et je suis partie visiter les lieux en commençant par le jardin. Je me promenais dans cet endroit idyllique où l’air était subtilement parfumé d’essences rares, où une légère brise me caressait et me rafraîchissait, où tout était murmure apaisant et musique envoutante et où tout était beauté. Soudain, au détour d’une allée de ce havre divin je découvris une bien jolie gloriette tout enrubannée de roses qui grimpaient sur ses arceaux de marbre blanc. Je voulus m’y rendre pour me reposer et méditer sur tout ce que j’avais appris des Dieux quand j’entendis une voix guillerette et haut perchée m’appeler.
- Eho, bonjour !
Je regardais autour de moi, personne, la voix reprit dans une franche rigolade
- Tu cherches au mauvais endroit… Coucou… Tu chauffes, disent les mortels. Aller un petit effort et tu me trouveras.
Je levais les yeux, guidée par cette voix si agréable et je vis à califourchon sur une branche du chêne vers lequel je me dirigeais une jeune personne qui me souriait. Elle semblait m’attendre, elle me fit signe de m’approcher tout en laissant glisser le long du tronc pour venir à ma rencontre. C’était une jeune fille pimpante, plaisante au regard. Elle se déplaçait légèrement et vivement comme un jeune cabri peut le faire. Ni trop grande, ni trop petite, aux formes aguichantes généreusement dévoilées et mises en valeur par un voile arachnéen aux tons du coucher de soleil. Elle avait un visage mutin surmonté par une chevelure exagérément courte et bouclée, couleur de la lave en fusion, ce qui laissait présager un caractère bien trempé.
Nous voilà l’une en face de l’autre, nous jaugeons et acceptons l’autre pour compagne du moment.
- Sais-tu qui je suis ? Me demande-t-elle avec un magnifique sourire. Qui es-tu, toi ? Que viens-tu chercher ici ?
- Je ne sais pas qui tu es, mais tu vas bien te présenter, je te sens d’humeur à me dévoiler ta personnalité et tes secrets. Quelle drôle d’idée de te cacher dans l’arbre. Moi, je ne suis qu’une mortelle, égarée parmi vous et je pense que je vais devoir partir sous peu… A moins que tu ne me retiennes… Pour ta dernière question, je ne veux rien…
- Je ne me cachais pas dans l’arbre, tu t’égares je réfléchissais ; il me faut de la hauteur pour trouver mes mots. Tu ne veux rien, comme c’est étrange. On aime à m’avoir pour alliée, amie, confidente voire conseillère car mes propos sont toujours aisés à comprendre, à assimiler et à mettre en pratique si l’envie leur prend de m’écouter. Je suis une jeune femme d’expérience qui n’a pas peur de surprendre ou de déplaire. J’affirme mes idées tout en tolérant les absences, les bêtises, les rebuffades des autres, puisque toutes ces dernières me permettent d’être ce que je suis. J’écoute la vie qui m’entoure ; au plus petit chagrin je veux trouver consolation ; j’aime encourager l’homme à se dépasser, à croire en lui, quitte à le bousculer. J’exècre l’absurdité, la méchanceté, la cruauté, la vanité, l’avarice, les défauts des uns et des autres, j’en fais mon affaire. En quelques mots bien rythmés, soufflés et posés sur le papier en rimes j’assène la vérité, le respect, l’honnêteté et la sagesse au délinquant ou à l’indécis.
- Eh ! Bien ! En voilà tout un programme, répondis-je admirativement devant une telle personnalité. Mais qui es-tu ? Insistais-je.
- Tu n’as pas deviné… Je peux te donner un indice… Je suis une des filles de Zeus, demi-sœurs des neuf muses, ma mère n’était qu’une mortelle, tout comme toi. Mon père en Dieu Suprême décida de m’accorder le droit de regard sur un art bien particulier. Mon domaine est la Fable avec sa Morale et sa Raison… As-tu enfin deviné qui je suis ?
- Non… Je regrette…
- Je suis Fabiola, la dixième muse. Beaucoup m’ignorent, certains me dédaignent, d’autres m’honorent… plutôt timidement. Veux-tu être mon porte-parole ?
Dringggg…